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LA COMTESSE DE BRIONNE A LIMOURS (suite)

Le régisseur de la comtesse de Brionne a eu l'excellente idée de décrire, dans son manuscrit, les fêtes qui furent données au château de Limours en l'honneur de sa châtelaine ou par elle.

La première fête se place à la fin de 1775 ou en 1776, après l'acquisition du domaine par la comtesse de Brionne; le château n'étant pas encore en état de la recevoir, la comtesse avait du demander l'hospitalité à son voisin, M. de Chavanne.

L’organisatrice de cette fête, comme de la plupart des autres, était la duchesse de Villeroy renommée, au XVIII° siècle, pour son goût des spectacles.

Jeanne-Louise-Constance d'Aumont, fille du duc d'Aumont et de Vicloire-Félicité de Durfort Duras, était, née à Paris, le 11 février 1731; elle avait alors quarante-cinq ans, plus âgée de trois ans que Mme de Brionne son amie; elle avait épousé, le 13 janvier 1745, Gabriel-Louis-François de Neufville duc de Villeroy, qui ne lui avait pas donné d'enfant ; elle avait été mise en possession du tabouret, le 9 mai 1759.

Le comte de Senneterre, qui avait été chargé par elle de composer des vers, devait être Charles-Emmanuel, fils d'un ancien colonel d'infanterie, alors âgé de 24 ans.

 

DESCRIPTION DES FÊTES

DONNÉES A S.A. MADASIE LA COMTESSE DE BRIONNE

dans son château de Limours (Bibl. Nat. Manuscrits, 14441)

 

PREMIÈRE FÊTE

Ce fut à la prise de possession, les habitants furent recevoir S. A. aux confins du comté de Limours où il y eut force mousquetades comme cela se pratique.

La princesse ne pouvant loger au château, qui n'était pas habitable, avait emprunté la maison de M. de Chavanne pour se loger, elle avait avec elle grand monde. Mme la duchesse de Villeroy avait fait venir sa musique. M. le comte de Sennetere fit les vers que voici

L'élite des filles habillées en bergères vinrent présenter un petit mouton tout garni de rubans et l'une d'elles lui chanta ces couplets-ci par l'auteur du Moulin à vent sur l'air Allons gai, de la Soirée des boulevards.

I

Une princesse qu'on renomme

Est Notre Seigneur,

Pour nous quel honneur

Elle a la beauté de la pomme.

Allons gai, réjouissons-nous. .

J’en serons aimé tout comme,

Allons gai, réjouissons-nous,

Je l'aimons tretous.

II

Pour Dame nous avions la reine

Pour nous quel honneur

Dans notre malheur.

Le ciel sensible à notre peine

Allons gai, réjouissons-nous.

Nous en donne une aussi chrétienne,

Allons gai, réjouissons-nous,

Je, l'aimons tretous.

III

Nous jouirons de sa présense

Pour nous cet honneur

Fait notre bonheur.

Je n'ons jamais eu cette chance

Allons gai, réjouissons-nous

Je sons les plus heureux de France,

Allons gai, réjouissons-nous

Et faisons les fous.

IV

Pour nos enfans quelle espérance

D'avoir pour Seigneur

Un Prince d'honneur (1)

De plus, grand écuyer de France.

Allons gai, réjouissons-nous,

Notre bonheur fera leur chance,

Allons gai, réjouissons-nous,

Et faisons les fous.

(1) Le prince de Lambesc ; ce prince eut le malheur de tuer un paysan à Limours, un jour, à la chasse. (L'arrondissement de Rambouillet, par Manuela.)

A la deuxième fête donnée en 1777, la duchesse de Villeroy avait fait venir des artistes de la Comédie Italienne. Assistaient à cette fête, à côté de la duchesse de Villeroy et de la comtesse de Brionne, la princesse Charlotte qui avait alors vingt-deux ans, le comte et la comtesse de Senneterre, Louis Sextius de Jarente de la Bruyère ancien évêque d'Orléans, prélat peu renommé pour ses vertus. L'ancien évêque avait alors soixante et onze ans; il avait été disgracié sous le ministère de Choiseul (Bachaumont, 3 nov. 1782, résume les attaques dirigées contre lui.) ; la marquise de Chauvelin, née de Mazade d'Argeville dont Voltaire avait vanté les beaux yeux autrefois, était la fille d'un conseiller au Parlement; elle avait épousé, en 1758, le marquis de Chauvelin, grand maître de la garde-robe, qui mourut subitement en jouant aux cartes avec Louis XV ; pendant plusieurs années après la mort de son mari, la marquise de Chauvelin avait conservé une tristesse causée par cette mort inopinée dont le souvenir la poursuivait; la princesse de Ligne qui figure à la fête de 1777 parait être la fille du marquis de Mézières et de Miss Ogletorp, la mère du fameux prince de Ligne.

 

 

DEUXIÈME FÊTE : UN MAI A LIMOURS

 

Le 1er mai 1777 madame la duchesse de Villeroy imagina de donner un Mai à la princesse.

Le matin, au lever de S. A., deux bergers et deux bergères portant un arbuste garni de fleurs et de rubans vinrent le déposer dans la galerie du château précédés de la musique de madame la duchesse; ils chantèrent en dansant autour du Mai des couplets relatifs à la fête.

Le soir il y eut comédie sur un théâtre que madame la duchesse avait fait très bien décorer; elle avait fait venir des décorations du magasin des menus; sa musique formait un très bon orchestre; elle avait aussi fait venir plusieurs acteurs tels que les S. et D. Trial de la Comédie Italienne, et le S. Dugazon de la Comédie française, tout fut parfaitement exécuté, il y eut, de la part de Dugazon, beaucoup d'imbroglio impromptus relatifs à Limours et à S. A.

La compagnie était on ne peut plus brillante et composée de leurs Altesses Mme la comtesse de Brionne, Mme la princesse de Ligne, Mme la princesse Charlotte, Mme la duchesse de Villeroy, M. le comte et Mme la comtesse de Senneterre, Mme la marquise de Chauvelin, M. et Mme de Betizi et Mgr l’évêque d'Orléans.

On y avait admis les habitants de Limours autant que la salle en put contenir.

 

 

TROISIÈME FÊTE : UNE FÊTE DES ÉCOLES A LIMOURS

 

Mme la duchesse de Villeroy, toujours admirable pour imaginer des fêtes et même pour les rendre utiles, voulut en donner une à tous les enfants de l'école de Limours.

Ces enfants vinrent de l'école au château conduits, les garçons, par le maître et, les filles, par la maîtresse formant une marche deux à deux; quand ils furent tous rangés, Mme la duchesse de Villeroy, en robe de palais jouant le rôle de Bailly de Limours, fut avec sa musique chercher la princesse, et sa compagnie ; à son arrivée dans la galerie, des chanteurs, que Mme la duchesse avait fait venir, exécutèrent une cantate dont les paroles ainsi que la musique avaient été faites pour la fête. Ensuite un des enfants de l'école, s'adressant à la princesse, lui chanta au nom de tous ce couplet par l'auteur du Moulin à vent, sur l'air : Est-il de plus douces odeurs.

Princesse, il nous sera bien doux

D'être sous votre Empire;

Nos coeurs nous vous les offrons tous,

Nous ne savons mieux dire.

Votre bonté pourrait fort bien

Les approcher du vôtre.

Notre respect est le lien

Qui ,joindra l'un à l'autre.

Après cela trois garçons et trois filles, qui avaient été désignés par le maître comme les plus méritants de l'école, présentèrent à la princesse de leur écriture et on leur avait fait copier les quatrains que voici de la façon de M. l'abbé Coupé.

De sa beauté, l'on ne peut se défendre,

Et son esprit a le même pouvoir.

Quand on la voit, on l'aime sans l'entendre

Et qui l'entend l'aimerait sans la voir.

Elle sait rassembler dans son âme sublime

Cet amour des vertus, cette haine du crime,

Ce magique ascendant, ce talent enchanteur,

D'embellir la raison et de parler au coeur.

 

S. A. attacha de sa main au côté de chacun de ces enfants une médaille d'argent que Mme la Duchesse avait fait frapper exprès, elle représentait d'un côté le portrait de Mme de Brionne et de l'autre était écrit : Ecole de Limours.

Cela fait, on servit un fort bon repas aux enfants qui étaient au nombre de 90 ; la princesse eut la complaisance de rester un moment voir ce petit troupeau manger.

 

QUATRIÈME FÊTE : LE MARIAGE DU PRINCE DE VAUDEMONT

 

La quatrième fête fut donnée en l'honneur du mariage du second fils de la comtesse de Brionne.

Ce mariage fut célébré le 30 décembre 1778

" Le mariage du prince Marie-Joseph de Lorraine-Elbeuf, second fils de la comtesse de Brionne, avec Louise-Auguste-Elisabeth-Marie-Colette de Montmorency, a été célébré le 30 du mois dernier. La bénédiction nuptiale leur a été donnée dans la chapelle de la bibliothèque du Roi, par l'abbé prince de Lorraine, grand doyen de Strasbourg. S. M. a permis au prince d'Elbeuf de prendre en se mariant le nom de Vaudemont. (Gazette de France de janvier 1779)

S. A. Mme la comtesse de Brionne, ayant marié son second fils, qui a pris le nom de prince de Vaudemont, à Mlle de Montmorency, mena cette jeune princesse à Limours et lui donna une fête le samedi 27 février 1779.

Elle fit venir pour cela les virtuoses de la danse du Théâtre de l'Opéra, savoir: MM. Gardel aîné et jeune, Vestris jeune et autres ; MMlles Théodore, Dorival, Cécile, Lafond et une partie de l'orchestre de l'Opéra.

On avait dressé dans la galerie dit château une salle de spectacle.

Comme on voulut surprendre la jeune Princesse, on lui cacha tous les apprêts de la fête, elle commença ainsi : Six des plus jolies filles du pays en bergères furent, au salon de compagnie, présentèrent à la Princesse mère, un gâteau de la noce et l'invitèrent, ainsi que son illustre compagnie, à venir honorer de sa présence l'assemblée du village dans la galerie ; la Princesse et la compagnie acceptèrent, on passa clans la galerie ; on ne peut exprimer la surprise de la ,jeune Princesse et de la princesse Charlotte à la levée de la toile et au coup d'archet en entrant.

On commença par un prologue dont la première scène était le choeur des Fileuses de Radegonde, Mlle Lafont chantait :

Allons, mettons-nous à l'ouvrage.

La deuxième scène était imitée du Retour de Michaud, dans la partie de chasse d'Henri IV.

Ce Michaud-ci (joué très bien par M. le marquis de Bétizi, La comtesse de Brionne était de Bétizi par sa mère) revient de Paris et fait à sa femme et à ses enfants la relation de ce qu'il y a vu entr'autre de l'entrée que le Roi, la Reine et toute la famille Royale venaient de faire le 8 de ce même mois de février pour se rendre à N.-D. remercier Dieu de l'heureux rétablissement de la Reine.

Mme Michaud apprend à son mari que leur fille Charlotte a été malade , que leur chère bru qui est si aimable, si bonne, si douce, a eu le plus grand soin de cette chère soeur Charlotte ce qui faisait allusion à une fluxion sur les yeux que la princesse Charlotte venait d'avoir. Ensuite on exécuta le Devin du village dont les rôles furent remplis ainsi : Mlle Cécile faisait Colin, Mlle Dorival faisait Colette et M. Gardel J. faisait L, devin ;ils furent tous fort, applaudis.

 

CINQUIEME FÊTE A LIMOURS

 

Donnée par S. A. Mme la princesse de Vaudemont au château de Limours, le 17 novembre 1779.

Elle commença par un concerto entre 1a princesse de Vaudemont touchant du forte piano et trois violons savoir Mme la duchesse de Villeroy, M. Acoyer et M. de Bar ; ce concerto fut interrompu par une symphonie qui se fit entendre de la pièce d'à coté exécutée par la musique de Mme la Duchesse. Cette symphonie fut encore interrompue par l'arrivée subite de Janot acteur qui fait les délices de Paris au Théâtre des Variétés-Amusantes sur le boulevard, il exécuta le proverbe : " On fait ce qu'on peut et non pas ce qu'on veut " ; dans lequel il joue neuf rôles de la famille Pointu, changeant d'habits derrière un paravent avec une, rapidité surprenante ; ce divertissement fit le plus grand plaisir.

 

SIXIEME FÊTE : LA SAINT ELISABETH A LIMOURS

 

Elle fut donnée au château de Limours, le 20 novembre 1779, à l'occasion de la Saint Élisabeth, fête de S. A. Mme la princesse de Vaudemont.

Toute cette fête fut composée par M. l'abbé Coupé à l’exception de quelques couplets qui avaient été faits par un poète attaché à Mme la duchesse de Villeroy.

Il n'est, pas possible de répandre plus de sentiment et de pathétique que M. l'abbé Coupé l'a fait dans cette composition; les âmes des spectateurs furent remuées jusqu'aux larmes surtout par le jeu des acteurs qui déployèrent toute leur tendresse pour la jeune Princesse, ce qui ne surprendra pas puisque les principaux étaient S. A. Mme la comtesse de Brionne en soeur-grise, le Prince de Vaudemont et la princesse Charlotte en bergers, Mme la duchesse de Villeroy en bailli de Limours, rôle qui lui sied on ne peut pas mieux; différents groupes occupaient les coins de la salle, un de fileuses, un de bergers et de bergères, un de jardiniers et de jardinières, un d'enfants de l'école, M. l'abbé Coulé faisant le magister à leur tête, et une imitation du tableau de " la lecture du père de famille " de Greuze; chaque groupe chantait des couplets analogues à la fête qui fut terminée ainsi; les deux battants de la porte de la salle voisine s'ouvrirent; cette salle contenait une décoration ou illumination en verres de différentes couleurs qui faisait le plus bel effet ; au milieu de cette salle était lui char traîné par deux hommes vêtus avec des habits de Diables de l'Opéra, sur ce char était assise Mélusine vêtue en Armide supposée enchantée dans le château de Limours depuis nombre de siècles et dont le désenchantement est censé opéré par l'arrivée de la princesse de Vaudemont dans ce château et Mélusine lui en fait les remerciments.

Ensuite l'on dansa jusque bien avant clans la nuit.

 

SEPTIÈME. FÊTE : LA SAINT-LOUIS A LIMOURS

 

Donnée à Limours le jeudi 24 aoust 1780, veille de saint Louis qui est, la fête de S. A. Mme la comtesse de Brionne par S. A. Mme la princesse de Vaudemont et Mme la duchesse de Villeroy.

La fête commença sur les 7 à 8 heures du soir par un concert qui fut exécuté sous les fenêtres de l'appartement de S. A. ; on y chanta les paroles que voici (Ces paroles sont de M. le comte de Senneterre.) :

Vents orageux

Qui dans vos ,jeux

Troublez la terre et l'onde

Eloignez-vous

Et laissez-nous

Dans une paix profonde ;

D'un voile noir

Couvrez ce soir

Les bords du Nil

Ou du Brésil.

Qu'on n'ait ici

D'autre souci

Que de chanter et rire.

Haubois et cors

Pour leurs accords

Ont besoin du Zéphire ;

Vous à qui s'adressent nos chants

Soyez sensible à nos accents ;

Le sentiment,

Tendre et constant,

Y conduit les jeux qu'on apprête

Pour célébrer votre fête ;

Ces arts ,jaloux,

Auprès de vous,

De la simple nature tout à l'envie

Briller ici

Leur aimable imposture,

Votre nom

Du double mont.

Tous les concerts

Percent les airs,

Et si les fleurs

Naissent des pleurs

De la brillante Aurore

Nos chants nouveaux

Sont les rivaux

Des doux présens de Flore.

 

COUPLETS

Sur un air de "  Florine "

Par la maîtresse d’école de Limours,

c'est-à-dire Mme la duchesse de Villeroy.

D'une habitante de Limours

Tout vous présente ici l'hommage,

Elle n'eut jamais l'art des cours

Son coeur est, vrai comme au village,

Son langage est sans aucun fard

Ainsi que la simple nature ;

Bien aimer voilà tout son art,

Ses trésors et sa parure.

A la taille, le collecteur

Absolument prétend l'obmettre.

Plus obligeant votre pasteur

Au pain béni veut bien l'admettre,

Pour plaire air docteur tonsuré,

Elle a bien fait d'être chrétienne

Et grâce à votre bon Curé,

Enfin la voilà Citoyenne.

Pour l'hommage de sa maison

On s'obstine à la contredire,

Elle veut en avoir raison

Malgré tout, ce qu'on pourra dire.

Si vous n'acceptez pas sa foi

Pour les objets qui l'environne

Et si telle est, ici la loi

Recevez au moins sa personne.

A neuf heures l'on tira un feu d'artifice qui réussit au mieux.

Ensuite l'on se transporta à un très joli Temple en rotonde dont le dôme étroit porté sur six colonnes ; au milieu sous le dôme était un petit autel triangulaire à l'antique, derrière cet autel s'élevait un bout de colonne, tout cet édifice était transparent et faisait un effet merveilleux: sur le bout de colonne était posé un buste en plâtre de la Princesse, l'autel était entouré d'une douzaine de prêtresses vêtues en Vestales, les princesses de Vaudemont et Charlotte à leur tête ; la beauté, la jeunesse et les grâces de ces charmantes Nymphes offraient le plus séduisant coup d'oeil qu'il soit possible d'imaginer,: les prêtresses subalternes portaient à leurs mains des bouquets et des couronnes de fleurs; l'allée qui conduit du château à ce joli Temple était bordée d'une grande quantité de pyramides portant des lanternes de diverses couleurs qui avec les pots à feu posés à terre de distance en distance formaient l'illumination la plus brillante.

Lorsque tout fut arrangé l'on vit paraître S. A. Mme la comtesse de Brionne accompagnée de toutes les personnes de distinction qui étaient au château.

Arrivée aux marches du Temple une symphonie et des voix cachées derrière dans un bocage exécutèrent un choeur dont les paroles étaient le compliment du bouquet : dans ce moment, Mme la princesse de Vaudemont prit un bouquet qu'elle attacha au devant du buste et Mme la princesse Charlotte prit une couronne qu'elle posa dessus, les autres prêtresses posèrent les bouquets et les couronnes qu'elles tenaient sur l'autel.

Mme la comtesse de Brionne monta alors les degrés du Temple et fut embrasser les jeunes princesses avec toute la tendresse qu'on lui connait, les spectateurs (Il y en avait un grand nombre, car outre les habitants de Limours il était venu des compagnies des environs de plus de deux lieues.) furent émus jusqu'aux larmes de cette scène attendrissante.

Voici les paroles que chantait le choeur de musique - sur le Choeur de l'Olympiade.

Exempts de soins, exempts de peines

Dans ces plaines,

Sous ces ombrages frais

L'on préfère

D'être berbère

A régner dans les palais.

I

L'amitié tarit nos larmes

Et dans Limours plein de charmes

Nous enchaîne à jamais.

Exempts de soins, exempts de peines

Sous ces ombrages frais

On préfère

D'être bergère

A régner dans les palais.

I.'amitié qui nous enflamme

Rend plus fortes nos âmes

Contre l'Amour et ses traits.

Exempts de soins, exempts de peines,

Dans ces plaines,

Sous ces ombrages frais,

On préfère

D'être bergère

A régner dans les palais.

 

CHOEUR DES PRETRESSES

SUR LA MARCIIE DES SAMNTES

Par la maîtresse d'école ci-dessus.

Protégez, dieux puissants,

Notre tendre sacrifice

Qu'à nos voeux tout s'unisse

Et, réponde à nos chants,

Nous fêtons votre image,

Recevez nos serments,

Grands dieux et de notre hommage

Devenez les garants.

Toute cette cérémonie étant finie S. A. retourna au château avec sa compagnie suivie des prêtresses marchant deux à deux.

Après le souper S. A. et toute la compagnie fut invitée par Mme la duchesse de Villeroy à se transporter dans une rue de la ville de Limours que l'on nomme aujourd'hui la rue de Villeroy (Elle a été ainsi nommée parce Mme la Duchesse a pris une maison pour loger ses gens et ses équipages, et sur la, porte est écrit : Hôtel de Villeroy) : à l'entrée de cette rue Mme la duchesse avait fait élever un grand portique en décorations chargé d'illuminations en verre de différentes couleurs; dans le tympan était le chiffre de Mme la comtesse de Brionne en transparent, au-dessous un autre transparent sur lequel était écrit : A la plus aimée.

La Princesse, arrivée à ce portique, qui était censé la porte de la ville, fut, haranguée à la portière de son carrosse par le prévôt des Marchands en robe de palais bien garnie de rubans accompagné de ses deux échevins en robe de bedeau montés tous trois sur chacun un âne, ils présentèrent à S. A. les clefs de la porte dans un bassin et le vin de ville. Voici la harangue de M. l'abbé Coupé faisant le personnage du prévost des Marchands

Princesse. -- " A tous Seigneurs tous honneurs, vous êtes " le nôtre, vous faites votre entrée dans nos murs, vous " avez déjà les serrures de nos coeurs, recevez encore les " clefs de notre ville.

" Pour vous recevoir d'une manière plus digne de Vous " nous avons compulsé nos registres el nous avons trouvé " que nos aveux ont rendu le même hommage à Mme la " Duchesse d'Étampes, et à Mme de Valentinois ; mais " vous dire la vérité, c'était moins pour leurs beaux Yeux " que pour ne pas choquer les deux Rois leurs chevaliers, " qui le voulaient. Nos anciens ont refusé tout cet honneur " à Monseigneur le cardinal de Richelieu qui s'en est, très " vangé en faisant décapiter notre principale noblesse dle " Roussigny et des Molières ; n'importe, il n'a pas eu d'entrée : croyez-vous que Monseigneur Gaston ait été plus " heureux? Non, non, nos grands pères avoient des principes, voyez-vous, et ils n'avoient aucun égard pour les têtes de linotte.

" Héritiers des sentimens de ces grands hommes si fameux " dans les Archives du Hurepoix, tous nos hommages sont " volontaires et libres comme les oiseaux de nos bois. Ce n'est point un ordre de la police, c'est l'amour, et l'amour tout seul qui allume nos réverbères et qui dispose cette brillante illumination que vous voyez.

Le reflet de notre attachement respectueux pour vous se répand encore avec complaisance sur tout ce qui vous accompagne ici : ce sont vos amis, ce sont les nôtres.

Poursuivez votre route, Princesse, et vous trouverez à qui parler, pour l'expectative d'avoir quelques petits applaudissements de plus, nous ne voulons pas retarder vos plaisirs. Ils nous sont chers à l'égal de votre gloire et de votre bonheur.

Voici le vin de ville, et voici les gâteaux sacrés que nous jetons au peuple. II n’est pas juste, il n'est pas dans votre coeur qu'il y ait des malheureux partout où vous portez vos pas. J'ai dit.

" Vive Louise. "

I,a harangue débitée, la Princesse assura les habitants de sa ville de Limours, en la personne de leur prévost, de sa bienveillance et de sa protection, elle suivit cette rue qui était illuminée, et descendit à l'hôtel de Villeroy qui l'était aussi; la rue en cet endroit était fermée par une décoration en illumination de verres de couleurs, cette décoration portait le titre de " Petit Hôtel de Villeroi ".

Au rez-de-chaussée de l'hôtel de Villeroi étaient à table tous les gens de Mme la Comtesse de Brionne, des paysans de Limours et les gens de Mme la duchesse de Villeroy, un de ceux-ci chanta sur un air de chasse ces couplets-ci

 

Par M. Rodé.

I

Salut, honneur, allégresse

Aux citoyens de Limours,

Nous savons la politesse

Et la pratiquons toujours,

C'est pourquoi la bienséance

Nous engage en ces moments

De vous faire révérence

Comme nouveaux habitants.

II

Oui, Messieurs, la destinée

Veut que nous soyons amis.

Une étoile fortunée

Nous conduit en ce pays,

Comme vous de ce village

Nous devenons habitants

Votre Dame à notre hommage

Nous devenons ses Enfants.

 

 

RONDE

CHANTÉE PAR LES GENS DE Mme LA DUCHESSE DE VILLER0Y

Sur celle de Bastien et Bastienne.

Paroles de M. RODÉ.

 

I

Nous avons quitté la ville

Nous ne la regrettons pas.

Ici l'on est plus tranquille

Loin du bruit et du fracas.

Rions, chantons toujours,

Le plaisir est, dans notre Dîme ;

Nous devons nos beaux jours

A la Dame de Limours.

II

Ainsi que notre maîtresse

Nous chérissons ce pays

Que n'y restons-nous sans cesse

Foin de l'hôtel de Paris.

Rions, chantons, etc.

III

Pour accourir à la fête

Que l'on célèbre en ce lieu

Nous avons fait maison nette

Sans dire à personne adieu.

Rions, chantons, etc.

IV

Couché sur sa grande chaise

Notre suisse en vrai badaud

Peut dormir tout à son aise,

Sans entendre le marteau.

Rions, chantons, etc.

On monta au premier où tous les musiciens étaient à table, l'un d'eux chanta sur l'air du Vaudeville de Florine ces couplets-ci

 

Par M. Rodé.

I

Dans cet asile plein de charmes

Fixons à jamais les plaisirs;

Point de soins et jamais de larmes

Nous ne formons plus de désirs.

Le bonheur dans ce lieu champêtre

Nous assure les plus beaux jours,

Faire des heureux, savoir l'être,

Telle est la Dame de Limours.

II

0 toi, divine Polymnie

Viens présider à nos concerts;

Qu'embellis par ta mélodie

Nos chants se portent dans les airs,

Ici tu voudras toujours être

Avec les jeux et les Amours.

Faire des heureux, etc.

III

Loin de la Cour et de la ville

On goûte ici le vrai bonheur,

On trouve en ce séjour tranquille

La paix de l'esprit et du coeur,

A nos souhaits, rien n'est contraire

Et, nous répéterons toujours

Faire des heureux, etc.

 

MADEMOISELLE FROSINE

Sur l’air : " Oui M. le Bailli. "

Par la Muse Limonadière de Limours, c'est toujours Mme la

duchesse de Villeroy.

Lorsque chacun s'apprête

A donner aujourd'hui

La plus brillante fête

Où donc est le bailli ?

A-t-il perdu la tête ?

Il devrait, bien aussi

Rendre un hommage honnête

A la Dame d'ici.

MADEMOISELLE JACINTE

Ce n'est que par usage

Que ce jour est choisi

Pour offrir un hommage

A la Dame d'ici

Les temps, il le proteste,

Sont tous égaux pour lui.

Tous les jours c'est la fête

Pour Monsieur le bailli.

Le lendemain jour de la fête, au réveil de la Princesse. On exécuta à la porte de sa chambre un concert de voix et d'instruments, les voix chantèrent les paroles qui suivent

Sommeil, fuis ce séjour

Pour la fête la plus belle.

Ici l'amitié vous appelle

Plaisirs célébrez ce beau ,jour.

Pendant la messe basse qui fut dite à la chapelle du château, il y eut grande musique en symphonie et voix.

Le soir, sur les dix heures, il y eut concert dans le salon.

Toute la musique de cette fête était bien choisie, la symphonie excellente et l'exécution de la plus grande précision.

La jeunesse de la ville de Limours et des environs dansa toute l’après-midi dans la cour du château.

Dans les grands événements les cours sont trois jours en gala, il en fût de même à Limours.

Le samedi 26, concert au château sur les six heures du soir, et à la nuit il y eut dans le parc à la vue du château une grande et belle illumination en verres et en lanternes de diverses couleurs qui réussit parfaitement et fit le plus grand effet, la nuit étant des plus noires.

 

HUITIÈME FÊTE A LIMOURS EN 1783

 

M. le comte de Bostel en se promenant dans le parc de Limours trouva un gros et vieux chêne au milieu du bois dans une côte dont la vue est fort agréable, S. A. fit faire un bosquet en rosiers et autres arbustes odoriférants avec des bancs et, même un petit édifice que l'on appelle l'Hermitage, et nomma ce chêne du nom de celui qui l'avait découvert; cela fit mettre l'idée de dédier ainsi un arbre à chacun des amis de S. A. qui viennent familièrement à Limours. En conséquence, elle destina un grand poirier qu'elle a fait conserver en formant les bocages, et qu'elle aime beaucoup, à M. le chevalier Delaguerche et pour lui en faire la dédicace on imagina d'en faire une petite fête, pourquoi S. A. et toute la compagnie qu'elle avait dans son château firent, une des fêtes de Pentecôte 1783 entre la messe et le dîné, au pied du poirier et l'on y chanta les couplets que voici :

 

CHANSON

Sur l’air de " Malborough "

Par M. l'abbé Coupé

 

Nous venons hors d'haleine

Mironton, tonton, mirontaine,

Nous venons hors d'haleine

Consacrer ce vallon (ter).

Nous n'aurons pas de peine

Mironton, tonton, mirontaine,

Nous n'aurons pas de peine

A trouver son patron (ter).

L'amitié nous l'amène,

Mironton, tonton, mirontaine,

L'amitié nous l'amène,

A l'ombre du poirier (ter).

Qui devient le domaine

Mironton, tonton, mirontaine,

Qui devient le domaine

Du plus loyal berger (ter).

Non d'amoureuse chaîne,

Mironton, tonton, mirontaine,

Non d'amoureuse chaîne,

0n l'en vit trop changer (ter).

Mais d'amitié certaine,

Mironton, tonton, mirontane,

Mais d'amitié certaine,

Qui jamais ne changea (ter)

La nôtre vaut la sienne,

Mironton, tonton, mirontaine,

La nôtre vaut la sienne,

Qu'il apprenne cela (ter).

La Dame Châtelaine,

Mironton, tonton, mirontaine,

La Dame Châtelaine,

Le dit pour tout Limours (ter).

Quand de Zéphir l'haleine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Quand de Zéphir l'haleine,

Nous rendra les beaux jours (ter)

Dans cette heureuse plaine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Dans cette heureuse plaine,

.Qu'ils viennent avec lui (ter).

Faire éclore sans peine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Faire éclore sans peine,

Les fleurs comme aujourd'hui (ter).

Au lieu d'une Climène,

Mironton, tonton, mirontaine.

Au lieu d'une Climène,

Il aura des amis (ter).

 

Ensuite on fit lecture de la fable qui suit :

 

FABLE NOUVELLE, TRADUITE DE XENOPHON

Et dernièrement lue au Museum

 

Sous le feuillage épais de cettui Poirier, vrai Patriarche de Bocage un grand débat s'ourdit entre gentil Moinelet et Tourtereau fidèle, si que à grands coups de bec iceux se battoient sans fin. Advint que la Dame Emperiere du lieu les avisa un jour : Eh ! fit-elle, loisible est de vous accorder en désignant à cil Poirier pour patron, gentil pelerin de la vie Humaine, donnant comme lui, voire en hyver fleurs et fruits.

Certes il fut plus volage que Moinelet icelui pelerin es décevantes amours, et plus ferme que Tourtereau en féale amitié. Puis chacun ayant, si juste sentence de s'écrier c'est fait à point gentil pélerin n'a que ce qu'il mérite. A donc il entra en exercice de sa charge, plaisant au Moinelet, satisfaisant le Tourtereau, vrai Parangon de tous deux. C'est le Poirier La Guerche, c'est le feuillage de la paix.

Comme ce qui précède avoit été communiqué, M. le chevalier Delaguerche avait de son coté fait en remerciement les couplets suivants toujours sur l'intarissable air de Malbrough :

 

Qui mieux qu'une inhumaine.

Mironton, tonton,mironrontaine,

Qui mieux qu'une inhumaine,

Charmeront ses soucis (ter)

Je suivais notre Reine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Je suivais notre Reine,

Dans son riant vallon (ter).

Là, ,j'aspirois à peine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Là, j'aspirois à peine,

A brouter son gazon (ter).

Heureux dans son domaine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Heureux dans son domaine,

D'être doyen mouton (ter).

Et pour ma souveraine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Et pour ma souveraine,

De bêler ma chanson (ter)

Quand de la haie prochaine,

Mironton, tonton, mirontaine.

Quand de la haie prochaine,

J'entends les plus beaux sons (ter)

Et que, sous forme humaine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Et sous forme humaine,

Les dieux de ces buissons (ter).

Dans cette heureuse plaine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Dans cette heureuse plaine,

Font, retentir mon nom (ter).

Ah ! J'en respire à peine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Ah !, j'en respire à peine,

Ils m'en font le patron (ter).

Quelle étoile est la mienne,

Miiontoii, tonton, mirontaine,

Quelle étoile est la mienne,

A l'ombre d'un poirier (ter).

L'on me chante une antienne,

Mironton, tonton, mirontaine,

L'on me chante une antienne,

Qui vaut le monde entier (ter).

Non pour une Climène,

Mironton, tonton, mirontaine,

Non pour une Climène,

Mon coeur ne fut ainsi (ter).

Mais plaire à notre Reine,

Mironton, tonton, mirontaine,

Mais plaire à notre Reine,

Est mon premier souci,

Dieux quel heureux souci,

Tout le ressent ici.

 

Propriétaire du domaine de Limours, la comtesse de Brionne fit dessiner près de son château, dans le goût alors très à la mode de l'Angleterre, des jardins qui lui valurent les suffrages élogieux du poète Jacques Delille.

Pour donner aux ,jardins une forme plus pure,

Observez, connaissez, imitez, la nature.

N'avez-vous pas souvent, aux lieux infréquentés,

Rencontré tout à coup ces aspects enchantés

Qui suspendent vos pas, dont, l'image chérie

Vous .jette en une douce et, longue rêverie.

Saisissez, S'il se peut, leurs traits les plus frappants,

Et des champs apprenez l'air de parer les champs.

Voyez aussi les lieux qu'un goût savant décore,

Dans ces tableaux choisis, vous choisirez encore.

Dans sa pompe élégante admirez Chantilli,

De héros en héros, d’âge en âge embelli.

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Les Grâces en riant dessinèrent Montreuil,

Maupertuis, le Désert, Raincy, Litttours, Auteuil,

Que dans vos frais sentiers doucement on s'égare (*)

(*)Le Poème des Jardins fut publié en 1780 ; il excita vivement l'enthousiasme du jeune Bonaparte alors à Brienne.)

En 1780, les réformes que le roi voulut opérer dans sa maison auraient été combattues par Mme de Brionne

Il parait que M. Necker ne trouve pas de grandes facilités à exécuter son plan de réforme de la maison du roi. M. le prince de Condé, M. le prince de Lambesc, M. le duc de Coigny et autres, ont présenté des Mémoires pour soutenir leurs droits respectifs. Mme de Brionne a mis tous ses charmes en avant, mais a été, dit-on, très mal reçue du roi (Bachaumont, 27 février 1780).

Cette même année un scandale causé par ses deux fils et sa bru fut apaisé grâce à ses soins diligents :

Le mercredi saint, M. le prince de Lambesc, grand écuyer de France, son frère et Mme la princesse de Vaudemont, revenaient de la campagne dans la soirée et passaient à six chevaux dans la rue Saint-Antoine. Le bon Dieu allait alors chez un malade. Le postillon retient ses deux chevaux : le cocher, au contraire, excite les siens ; en sorte que le carrosse continue sa route et le pieux cortège est obligé de se disperser. Un prêtre porte-sonnette, qui sortait pour la quatorzième fois de la journée, ne peut s'échapper assez vite, est renversé et blessé; ce qui fait rire les jeunes seigneurs. La population indignée les injurie : on court après le carrosse et l'on ne sait ce qui serait arrivé sans la vivacité des chevaux. On enlève le prêtre et on le porte dans son lit. Le clergé de Saint-Paul, paroisse du lieu, s'assemble et excite le zèle du curé ; on veut qu'il rende compte du fait à l'archevêque et fasse en même temps dénonciation du délit sacrilège au procureur général.

Le curé mou se contente d'abord d'écrire à Mme la comtesse de Brionne qui, sentant toute l'énormité du cas, renvoie le cocher, prévient en diligence la police, le ministère public et accourt chez le pasteur un contrat de 200 livres de rentes à la main pour le prêtre blessé qu'elle assure de sa protection. Elle aurait même désiré que ses enfants fussent venus lui faire des excuses. Mais il parait que cette satisfaction n'a pas eu lieu. Quoi qu'il en soit, les dévots, en rendant justice à Mme de Brionne, innocente de cette atrocité et qui a fait toutes les réparations qui dépendaient d'elles, blâment la faiblesse du curé, qui a apaisé ainsi, sans réparation publique, un scandale dont toute la populace a été témoin et les philosophes, qui frémissent surtout de la barbarie de l'action, auraient exigé un exemple de vindicte éclatante de la justice contre les grands trop exigeants en pareil cas (Bachaumont, 2 avril 1780).

En mai 1785, le duc de Choiseul meurt, mais il n'oublie pas Mme de Brionne dans son testament.

Le duc de Choiseul est mort dimanche 9 mai ; il a été présenté à Saint-Eustache sa paroisse et transporté de là à Chanteloup.

Jamais on n'a vu un cortège aussi brillant. Bachaumont analyse son testament; il évalue ses biens à 14 millions et ses dettes à 10 ; il institue le duc de Châtelet son exécuteur testamentaire ; il le prie d'accepter en reconnaissance les toisons d'or, de diamants et d'en détacher la rose du milieu pour être donnée à Mme la comtesse de Brionne (Bachaumont, 13 mai 1785).

Le cardinal de Rohan est arrêté pour l'affaire du collier le 13 août ; la comtesse de Brionne, qui est sa cousine germaine, subit le contre-coup de cette arrestation :

Il passe pour constant que M. le prince de Soubise a eu ordre de s'abstenir d'entrer au Conseil, que Mme la comtesse de Brionne est aussi dans une espèce de disgrâce, enfin que toute la famille de Rohan est mal vue à la cour, sauf Mme de Marsan (Bachaumont, 26 décembre 1785).

L'année suivante, la comtesse de Brionne est obligée de se mettre en mouvement pour arranger une fâcheuse affaire que s'est attirée le prince de Vaudemont.

Si l'on en croit des lettres de Metz, le prince de Vaudemont, dont le régiment est en garnison dans cette ville, s'y est fait une affaire très grave. On prétend que non seulement il n'a point voulu faire payer un fournisseur d'une somme qui lui était due, mais qu'il a déchiré son titre et que ce malheureux s'en étant plaint clans le public avec les qualifications que méritait ce colonel, il l'a excédé de coups, an point due l'artisan en est mort ou bien malade ; quoiqu'il en soit, le peuple. furieux est allé chez M. le Procureur général pour lui dénoncer le délit et le forcer à rendre plainte au Parlement ; ce qui a eu lieu et a provoqué un décret contre ce seigneur. Toute la famille est en mouvement pour arranger l'affaire (Bachaumont, 9 août 178613 mai 1785).

Mlle Charlotte mourut le 22 mai 1786.

La Révolution arrive, et trouve le prince de Lambesc, grand écuyer de France depuis 1761, et le prince de Vaudemont son frère, grand écuyer en survivance depuis 1787 ; le prince de Lambesc commande, le 12 juillet 1789, les mouvements du Royal-Allemand ; rapidement, il devient impopulaire et il est décrété de prise de corps ; son procès s'instruit et il n'échappe à une condamnation qu'en émigrant et en passant au service de l'Autriche.

Sa mère émigra également ; le 3 avril 1792, elle fait dresser, par un notaire de Bruxelles, un acte aux termes duquel elle proteste contre les saisies dont ses meubles sont l'objet à Limours ; elle déclare dans cet acte, que les décrets de l'Assemblée nationale contre les émigrés ne la concernent point, qu'elle n'est ni émigrée, ni Française, étant veuve d'un prince étranger (Archives de Seine-et-Oise. Carton Brionne émigrée.)

Mais ses protestations ne produisent aucun effet : le 23 juin 1792, Thibault, juge de paix du canton de Limours, demeurant à Briis fait l'inventaire des meubles du château.

Le Moniteur universel du 3 février 1793, dans une correspondance datée de Vienne, 15 janvier, annonce que Mme de Brionne vient d'arriver à Vienne et qu'elle a déjà obtenu de Empereur, son parent, un secours de 10.000 florins.

Un de ses neveux de Rochefort, Guéthenoc, était condamné à mort et montait à l'échafaud revêtu d'une chemise rouge, en juin 1794 ; et sa belle-soeur mère de Guéthenoc, née d'Orléans Rothelin, était emprisonnée à Versailles.

Les meubles du château sont vendus le 19 avril 1793.

Le château est également mis en vente par la nation et adjugé, le °24 messidor an IV (12 juillet 1796), moyennant 191,199 livres payables en mandats territoriaux au profit de Bernard-César Gournay, homme de lettres.

Gournay parait avoir été un propriétaire assez difficile et assez peu endurant vis-à-vis des habitants de Briis et de Limours.

La vente du château avait été précédée, le 1er ventôse an II (19 février 1794) et le 24 thermidor (11 août) de la vente des diverses dépendances du domaine de Limours ; avaient été vendus la ferme de Roussigny, 116,600 livres, la ferme de la Besnerie, 130.600 livres, la ferme du Jardin 127.500, une maison appelée le pavillon de Cloris, dans le parc, 9.425 livres, le jardin potager du château, 49.100 livres; avaient aussi été adjugés par le district de Versailles, le pavillon de l'Orient, près la porte de Paris, le pavillon du couchant, un terrain à l'entrée du parc en face de la rue des Sans-Culottes, l'orangerie, la ferme des Molières ; Brault de Saint-Germain s'était rendu acquéreur de la ferme de Pivot moyennant 73,000 livres

(Archives de Seine-et-Oise, district de Versailles. Ventes des biens des émigrés ; depuis 1790, Limours était du district de Versailles. Le catalogue de la vente de la bibliothèque, faite à cette époque. est à l'Arsenal qui possède aussi un manuscrit intéressant Limours au XVI° siècle ; c'est un compte des recettes du receveur de Limours).

 

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La comtesse de Brionne ne revint pas en France; elle mourut à Presbourg, en Hongrie, le 21 mars 1815, à l’âge de 79 ans, laissant comme héritiers son fils aîné le prince de Lambesc (ses autres enfants étaient morts) et des petits-enfants.

(Quelques jours avant sa mort, Mme de Brionne reçut la visite émouvante de son vieil ami, le prince de Talleyrand, alors au Congrès de Vienne; ils s'étaient vus depuis si longtemps et après des événements si considérables (Mémoires de Talleyrand, t. 11, p. 289).

Quand il se fût agi de la répartition du milliard des émigrés, le prince de Lambesc, encore vivant, s'adressa au gouvernement pour obtenir la liquidation de l'indemnité qui lui était due par l'État, à raison de l'aliénation de Limours et ses dépendances confisquées sur sa mère; mais le prince de Lambesc mourut le 21 novembre 1825, avant que cette indemnité fût réglée; il instituait sa cousine, la princesse Charlotte de Rohan, la fiancée du duc d'Enghien, sa légataire universelle.

(Le prince de Lambesc mourut à Vienne après avoir épousé en premières noces, en 1803, la veuve du comte Potocki et, en 1814, la comtesse de Polliot de Frenneville; le prince de Vaudemont, filleul de l’empereur Joseph II, décéda à Szegedin (Hongrie), le 29 mars 1812.)

La princesse Charlotte de Rohan, d'accord avec les autres héritiers de la comtesse de Brionne, le prince Charles Emmanuel-Marie-Xavier-Clément de Savoye-Carignan et la princesse Françoise-Élisabeth de Savoye-Carignan, ses arrières-petits-enfants, reprirent la demande du prince de Lambesc ; mais on plaida et le gouvernent objecta que le prince de Lambesc avait perdu la qualité de Français en remplissant les fonctions de commandant des gardes de l'empereur d'Autriche; le Tribunal donna gain de cause aux héritiers; l’Etat demanda encore aux héritiers qu'ils eussent à fournir la preuve qu'au moment de son émigration, la comtesse de Brionne était bien Française ; les héritiers eurent encore gain de cause; un vice de procédure empêcha que le jugement du Tribunal de la Seine du 18 janvier 1828 reçut sanction avant le 21 juin 1832, date à laquelle il fut confirmé par la Cour de Paris; l'indemnité due à la succession de la comtesse de Brionne était fixée à 514.286 francs, mais le passif était de 624,133 francs et dépassait ainsi l'actif de 109.846 fr.

 

LA DESCENDANCE DE MME DE BRIONNE. S. M. LE ROI HUMBERT

S. M. Humbert 1er, roi d'Italie, est un descendant direct de Mme de Brionne qui est sa trisaïeule : des quatre enfants de la comtesse, seule sa fille Thérèse-Josèphe, mariée à un prince de Savoye, général d'infanterie du roi de Sardaigne, eut une descendance; Charles-Emmanuel, né le 24 octobre 1770, du mariage du prince de Carignan, fut lui-même père d'un fils, Charles-Albert, dont le nom a été glorieux; Charles-Albert, qui naquit le 20 octobre 1798 et fut élevé en France, monta sur le trône de Sardaigne le 27 avril 1831 et régna jusqu'en juillet 1819; en 1810, il signa une vente à la ville de Limours d'une prison sans doute oubliée dans l'aliénation, en 1794, des biens de la comtesse. Victor-Emmanuel succéda à son père Charles-Albert et le fils de Victor-Emmanuel, le roi Humbert se trouve ainsi descendre directement de la châtelaine de Limours.

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